Votre primeur : le primeur de Gaillac et autres nouveaux vins

Première parution le 14 novembre 2018. Mis à jour le 18 novembre 2019.

Nous sommes la troisième semaine de novembre, ce qui signifie que les cavistes et les restaurants de toute la France se préparent à faire la fête. Pourquoi ? Pour célébrer la sortie de la récolte de vins primeurs de cette année, dont le plus célèbre est le Beaujolais Nouveau.

Ici, à Toulouse, nous avons notre propre version régionale du Beaujolais Nouveau, appelée Gaillac Primeur. Vous ne savez pas de quoi il s’agit ? Servez-vous un verre et asseyez-vous, car je vous ai préparé une introduction aux vins primeurs (désolé, je n’ai pas pu résister).

L’histoire des vins primeurs

Le Gaillac AOC, près de Toulouse, est l’un des quelque 16 AOCs et 68 IPGs qui sont autorisés à vendre une partie de leurs vins récoltés la même année (c’est-à-dire que les raisins récoltés à l’automne 2018 deviennent du vin qui est vendu avant la fin de l’année 2018). Ces vins sont appelés “primeurs” ou “nouveaux”, souligne leur statut de premiers vins d’une saison de récolte particulière (à ne pas confondre avec la vente de vin “en primeur”, qui est une pratique courante dans le Bordelais). Ces vins premiers/nouveaux étaient historiquement produits pour être consommés peu après les vendanges, dans le cadre des célébrations des vendanges. Le Beaujolais Nouveau a commencé à devenir populaire dans les années 1950, lorsque l’Union interprofessionnelle des vins du Beaujolais (UIVB) a vu les avantages potentiels de transformer la sortie du Beaujolais Nouveau en un grand événement : la région viticole bénéficie d’une attention marketing accrue autour d’une date de sortie spécifique (à l’origine le 15 novembre, puis le troisième jeudi de novembre en 1985) et les viticulteurs bénéficient d’un bon coup de pouce pour les rentrées d’argent après la récolte, en attendant que le vin normal continue à vieillir. Ce qui n’était au départ qu’une fête locale s’est répandu à Paris, où l’on a commencé à organiser des courses pour apporter le vin aux restaurants et aux marchands de vin en attente, qui organisaient des nocturnes. L’engouement pour le Nouveau a vraiment éclaté dans les années 70 et 80, le Beaujolais Nouveau étant expédié et fêté dans le monde entier (juste après minuit le troisième jeudi de novembre, naturellement), et d’autres régions viticoles françaises, dont la Loire et la vallée du Rhône, ont suivi l’exemple en ajoutant la catégorie primeur à leur AOC.

L’élaboration des vins primeurs

Le Beaujolais est au cœur de la tradition des vins primeurs parce que le cépage gamay, qui caractérise le Beaujolais, se prête particulièrement bien à l’élaboration de ce type de vin en raison de sa faible teneur en tanins, de son corps léger et de son fruité, autant d’éléments mis en valeur par le processus particulier de macération carbonique utilisé pour fermenter les raisins avant le pressurage. La macération carbonique exige que des grappes entières de fruits soient placées ensemble dans la cuve, alors que les raisins destinés aux vins primeurs sont toujours récoltés à la main. Ensuite, la cuve est remplie de dioxyde de carbone, ce qui déclenche la fermentation à l’intérieur de chaque raisin (contrairement à la fermentation normale qui se produit après que les raisins ont été écrasés et que le jus a été libéré). L’une des caractéristiques les plus notables que l’on peut parfois (mais pas toujours) retrouver dans les vins primeurs est un arôme unique de banane, que certains attribuent à certaines levures utilisées, au processus de macération carbonique ou même au cépage Gamay lui-même.

Toutefois, selon les régions, les vins primeurs ne sont pas obligatoirement issus du gamay et ne sont pas non plus obligatoirement des vins rouges. On peut retrouver du vin rouge comme blanc ainsi que rosé. La seule chose que vous ne trouverez pas dans cette catégorie est le vin mousseux.

Il convient également de noter que vous trouverez des vins élaborés par macération carbonique en dehors de la catégorie primeur/nouveau. La semaine dernière, j’ai eu le plaisir de déguster un vin rouge composé à 100 % de braucol, produit par le Domaine Plageoles, notable producteur gaillacois, élaboré à partir de deux parcelles de raisins différentes, dont l’une avait subi une macération carbonique avant d’être assemblée à l’autre. J’ai été stupéfaite par le contraste entre le fruit et la profondeur, c’était comme boire une framboise noire enrobée de chocolat !

Gaillac Primeur

Le Gaillac Primeur, dont la production a commencé au début des années 1970, est élaboré de la même manière que le Beaujolais Nouveau, nécessitant la même l’utilisation du cépage Gamay, et commercialisé en même temps que tous les autres vins primeurs/nouveaux, dès minuit le troisième jeudi de novembre. De nombreux bars et restaurants toulousains organisent des événements spéciaux, des dîners et des dégustations pour célébrer la sortie. Les vignerons de Gaillac profitent de l’occasion pour organiser tout un week-end d’animations et de portes ouvertes dans de nombreux domaines de la région. Aujourd’hui, Gaillac produit environ 700 000 bouteilles de vin primeur provenant d’environ 40 producteurs différents, la plupart sont rouges, bien qu’un peu de vin blanc primeur soit également produit. Cela ne représente qu’une petite partie de la production globale de Gaillac, qui s’élève en moyenne à plus de 20 millions de bouteilles par an. En comparaison, le Beaujolais vend plus de 25,7 millions de bouteilles de son vin nouveau (plus d’un million de bouteilles rien qu’à Paris !), ce qui représente environ un tiers de la production totale de l’AOC.

IGP Vins Nouveau

Pour compliquer davantage les choses, comme je l’ai mentionné au début de l’article, il existe également une catégorie de vins primeurs qui sont autorisés à être fabriqués par des IGP régionales (qui sont moins spécifiques aux régions et ont des règles moins strictes que les AOC). Ces « vins nouveaux IGP » sortent le troisième jeudi d’octobre (et en beaucoup moins grandes pompes que leurs cousins ​​AOC un mois plus tard). Les deux grosses différences entre les réglementations IGP et AOC sont que les vins nouveaux IGP sont autorisés à être récoltés à la machine et sont autorisés à obtenir des rendements beaucoup plus élevés par hectare. C’est pourquoi ces nouveaux vins IGP sont généralement beaucoup moins chers. Cependant, il est avantageux de demander à un caviste averti, car certains producteurs choisissent plutôt de faire leur vin nouveau sous le label IGP, car cela leur permet plus de choix de raisins et d’espace pour l’expérimentation que les réglementations AOC qui sont plus strictes, donc un vin IGP ne signifie pas toujours qu’il est de moins bonne qualité.

Où et qunad boire des vins primeurs

Malgré le brouhaha continu de chaque mois de novembre, les ventes de vins primeurs sont en baisse, en partie à cause d’une mauvaise réputation parmi les buveurs de vin. Avec ses saveurs simples et fruitées, le vin primeur a été critiqué comme n’étant pas un vin “sérieux”. Cependant, je suis convaincu qu’il existe une situation pour chaque vin, même les plus simples. Et, comme pour tous les vins, la qualité dépend du vigneron, donc si vous êtes curieux de l’essayer, rendez-vous chez un caviste de confiance au lieu d’aller chercher une bouteille au supermarché. De nombreux cavistes s’accordent à dire qu’il existe une fenêtre spécifique pour les ventes de vins primeurs avant que le buzz ne s’éteigne et que les gens ne se tournent vers des rouges d’hiver plus lourds. Ils n’achètent donc que ce qu’ils pensent pouvoir vendre dans les deux premières semaines suivant la sortie. Alors si vous êtes curieux et que vous voulez l’essayer ou que vous voulez vous approvisionner, mieux vaut ne pas attendre trop longtemps !

Les qualités mêmes qui poussent certains buveurs de vin sérieux à l’exclure en fait en fait un très bon choix si vous cherchez à passer du vin rouge au vin blanc. C’est un vin amusant à déguster lors d’une fête entre amis et (si vous êtes américain) fait un excellent vin pour les prochaines célébrations de Thanksgiving. Je trouve aussi que c’est un bon choix pour une soirée raclette, où l’acidité et le corps léger sont un bon contrepoint à tout ce fromage fondu. C’est bon à boire tout l’hiver, quand vous voulez quelque chose de frais et lumineux pour lutter contre le marasme hivernal. Peu importe où et quand vous aimez le boire (ou non), j’espère que vous chercherez un endroit pour célébrer le troisième jeudi de novembre, comme la fête commune et le pur plaisir de savoir que vous le célébrez avec des gens dans toute la France (et dans le monde), le rend spécial à mes yeux et à mes papilles.

En savoir plus

Chai mon vigneron ,découvrez le programme des animations et portes ouvertes des domaines autour de Gaillac ce week-end (mis à jour pour 2019)

Les vins nouveaux premiers de cordée mais second rôle (Ladepeche.fr, 2018)

Le nouveau: Le Gaillac Primeur c’est ce soir à minuit (Ladepeche.fr, 2018)

Le Gaillac Primeur est déjà en bouteilles (Ladepeche.fr, 2018)

15 things you need to know about Beaujolais Nouveau (Thelocal.fr)

Mysteries of Beaujolais (The New York Times – Diner’s Journal), une bonne explication de la macération carbonique et de ses différences par rapport à la vinification traditionnelle en Beaujolais

Thanksgiving means nouveau wine – and not just from Beaujolais (The Washington Post)

Envie d’en savoir plus sur le vin local à Toulouse ? Découvrez la Visite du Marché Victor Hugo où nous découvrons (et dégustons!) les vins de Gaillac et d’autres régions autour de Toulouse.

Photo credits: Bianca Isofache on Unsplash; Someecards; Giving Tree Photography